Je sors de la piscine et me dirige vers les douches. Je suis en maillot de bain au milieu d’autres types en maillot de bain – les beaux gosses sportifs, le Turc de cinquante ans, le grand grand et vieux monsieur et le prof de sport – et je les regarde comme Tyler Durden regarde les autres dans fight club: est-ce que je pourrais me les faire ? En ce qui me concerne, la réponse est non. J’ai quarante ans, je manque d’exercice, je pèse un peu trop lourd, je suis lent, lourd, mou et vulnérable. Et la question ne se pose pas, nous sommes tous bien installés dans notre bulle, de la piscine aux douches chaudes, des douches chaudes au vestiaire, déjà maintenant et déjà après, dans le métro, dans le train, vers la maison. La piscine est un grand bâtiment des années 60, un endroit où les corps nus se déplacent dans l’air chaud et dans l’eau chaude, un peu un équivalent de ce que furent les thermes des Romains, un endroit qui ne peut exister que si on a une ville qui marche bien, et plein d’énergie, pas trop chère.
Quand il y aura moins d’énergie, et moins encore, devrai-je me reposer la question, sérieusement ? « est-ce que je peux me les faire ? » Et surtout, se la poseront-ils à mon propos ? Eux tous, les beaux gosses sportifs, le Turc de cinquante ans, le grand grand et vieux monsieur et le prof de sport ?